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Jean-Claude Massard
Dédié à Mireille ROUX Co-transcriptrice du registre municipal concerné partie trop tôt avant la fin de ce travail
Le premier registre municipal de Bouthéon, aimablement mis à notre disposition par la municipalité d’Andrézieux-Bouthéon, a fait l’objet d’un essai de transcription en clair, afin d’être une source utilisable par les Amis du Vieux Bouthéon.
AVERTISSEMENT
La transcription n’a pas toujours pu être complète car :
d’une part, ce registre a été tenu par différents greffiers dont les qualités étaient très variables, et qui utilisaient plumes et encres diverses elles aussi,
d’autre part, la qualification des transcripteurs n’en était qu’à sa phase de développement !
Même transcrit, le document, par sa succession hétéroclite de thèmes divers, par l’absence de ponctuation, par l’orthographie trop originale quelques fois et, évidemment, par la présence de « blancs » demeurés énigmatiques, reste un document dont la lecture est relativement fastidieuse.
Néanmoins, pour de multiples raisons, il aurait été dommage d’en rester là.
La forme adoptée ici essaie de concilier la succession chronologique tout en regroupant entre eux les éléments d’un même thème* ; dans la mesure du possible, ce sont les textes originaux qui sont présentés, évidemment sous forme de fragments pouvant être plus ou moins étendus : ils seront facilement reconnaissables car toujours écrits en italique.
Les absences ou les présences de majuscules dans l’original n’ont pas toujours été respectées et de nombreuses corrections orthographiques ont été réalisées afin que l’attention ne soit pas trop inutilement déconcentrée ; néanmoins certaines originalités ont été conservées sous peine que le texte, trop aseptisé, ne perde, inutilement, trop de saveur.
Les entre crochets [ ] signalent une intervention du rédacteur qui s’est permis de sauter un fragment dans le paragraphe recopié ou qui a jugé utile d’apporter, tout de suite, une précision.
*Le choix, quant à l’ordre de succession des thèmes, se voudrait traduire l’importance de ceux-ci dans les préoccupations du moment.
Introduction
Le premier registre des délibérations municipales que possède la commune d’Andrézieux-Bouthéon couvre la période allant de 1788 à 1794. Il concerne donc de nombreux épisodes de la période révolutionnaire et nous retrace, au fil des pages, une partie de la vie des habitants de BOTHEON (appellation utilisée à l’époque pour désigner la commune, sachant qu’alors, Andrézieux n’était encore qu’un quartier satellite que l’histoire allait rattacher suivant les époques, soit à Bouthéon, soit à Saint-Cyprien, soit mettre en autonomie, temporaire une première fois et en autonomie plus durable par la suite avant de finir par une fusion. Ce BOTHEON d’alors comptait 550 habitants, en 1788.
Au détour des pages, ce n’est évidemment qu’une partie seulement de la vie des habitants qui se trouvera évoquée car, si certains faits sont, à l’époque, perçus comme marquants et donc consignés dans le registre, bien d’autres, les plus courants, les plus familiers, ceux de la vie banale, de la vie de tous les jours, ceux-là sont malheureusement très absents ; et c’est presque normal, puisque le registre, par définition, est destiné à relater les affaires abordées par le conseil général (appellation utilisée à l’époque pour désigner l’ensemble des élus de la commune). Le registre ne relate donc que les faits jugés, alors, comme importants ; rien à voir avec une chronique exhaustive.
Plus ou moins paradoxalement, ce seront les registres municipaux ultérieurs qui apporteront le plus de détails sur le quotidien de la période abordée ici ; c’est en effet avec eux que l’on découvrira l’état des chemins du bourg, avec leurs mottes de terre pour détourner les eaux de pluie, mini-digues placées de façon aléatoire, chaque habitant résolvant son problème aux alentours de sa porte ; c’est avec eux que les interdictions concernant le dépôt de paille dans les flaques (dépôts faits en vue d’obtenir un fumier supplémentaire) nous renseigneront sur les usages et l’environnement immédiat ; c’est avec les arrêtés qui seront pris, un jour, au nom de la salubrité, qu’on pourra imaginer l’importance, depuis des lustres, de la culture du chanvre et de la pratique du rouissage dans les trous de la Petite Loire (à savoir la plupart de nos gours actuels si on omet les gours liés à l’exploitation des gravières) ; c’est avec les discussions ultérieures sur les rendus des tribunaux qu’on percevra la part importante jouée par les étangs et la vie pastorale dans les tracas quotidiens (tracas qui concernaient géographiquement ce qui est aujourd’hui occupé par autoroute, aérodrome, grandes surfaces, et qui résultaient de clauses insuffisamment explicitées dans un acte de vente de 1519 impliquant Charles III duc de Bourbon seigneur de Bothéon.
Nonobstant ses insuffisances le registre des années 1790-1794 est assez riche d’enseignement : on y trouve des échos à la vie politique nationale ou régionale, car bien des décisions prises en hauts lieux ont un écho sur le plan local. Elles peuvent s’y traduire par des actes, quelques fois ; engendrer des attitudes, souvent ; il y aura bien sûr, et fréquemment, une sorte de passivité dans l’obéissance à la loi, mais scepticisme et résistance, enthousiasme ou écœurement sont également présents, parfois nettement exprimés, d’autres fois en filigrane seulement. C’est que les choses ne peuvent pas toujours être dites trop crûment en ces périodes troublées, périodes de transition entre un monde qu’on quittait et un ordre nouveau qu’il fallait inventer, avec des bégaiements plus ou moins nombreux, plus ou moins faciles à corriger.
Bien entendu, à Bothéon, l’atmosphère évolue au gré des aléas politiques, comme ailleurs en France ; rien d’étonnant à cela. C’est ainsi, qu’au fil des pages, on peut percevoir l’indignation et le désaveu qu’une signature inopinément absente peut exprimer . Quand on a un discours prolixe qui, un an plus tard, se réduit à deux lignes glaciales, c’est l’amertume ou la peur qui succèdent à l’euphorie . On y rencontre des répétitions de mots, mots nouveaux, mots qui n’avaient jamais eu cours jusqu’à présent et dont on va se gargariser à chaque page. On y constate aussi, malheureusement, la progressive disparition de phrases qui étaient ronronnantes, bien rôdées, qui se voulaient rassurantes mais qui sont abandonnées puisqu’on n’en a plus besoin ou parce qu’on ne peut plus y croire. C’était une période très particulière et l’atmosphère y était souvent variable !
Les microclimats douillets étaient rares et éphémères, à Bouthéon, comme dans le reste de la France : on a la Révolution !…Le registre municipal de 1788 à 1794 en témoigne : ici comme ailleurs on passera par des ambiances diverses allant en particulier d’un sérieux empreint d’une certaine bonhomie jusqu’à atteindre un sérieux nettement empreint de tragique.
Collection "Histoire locale"
Appuyée sur des sources de première main cette étude retrace de façon bien concrète la vie d'un petit village pendant l'époque révolutionnaire.