Page de couverture :
La tentation du Christ, vitrail de la chapelle du Sacré-Cœur de la collégiale Notre-Dame-d’Espérance de Montbrison (détail), Thevenot, 1841

CAHIER N° 150

Maurice DAMON

La religion parle patois

Ceux qui, au centre social de Montbrison, dans les années 70, ont voulu sauvegarder le patois forézien en organisant des soirées dites Patois vivant ont, jusqu’à un certain point et pendant un certain temps, réussi : le patois a effectivement repris vigueur au cours de ces rencontres qui, jusqu’en 2014, lui ont été consacrées, puis ont cessé.
Les histoires et récits en tous genres de ces veillées avaient par bonheur été enregistrées et, à l’issue d’un considérable et précieux travail de conservation , quelque 320 d’entre elles ont été numérisées, transcrites en patois, et traduites en français . C’est ce « corpus » qui constitue le matériau du présent article, auquel ont été ajoutés quelques enregistrements réalisés au domicile d’autres patoisants et quelques textes publiés.
À quoi bon revenir vers le patois ? Pourquoi s’intéresser encore à lui ? Le patois, langue de l’oral, désormais écrit et conservé, est devenu extérieur à lui-même, miroir d’un passé nostalgique, musée de la parole, langue morte, mémoire. Et chacun, chaque patoisant, sait bien que la mémoire a des failles, qu’elle est infidèle, approximative, oublieuse, que, têtue, elle retient ce qu’elle veut et passe le reste sous silence…
C'est comme disait mon grand-père : il y a des choses qu'on oublie mais quand ça s'est passé quand on est jeune, on ne peut pas oublier, il n'y a rien à faire... .
Il faut faire la part entre la réalité des histoires qu’on raconte et l’image qui en est donnée, celle d’un passé revu et corrigé, embelli ou prétendu détenteur d’une plus grande vérité. Les récits patoisants n’ont pas à voir avec l’objectivité. Ce n’est donc pas la réalité, ni l’exactitude, ni même la véracité des anecdotes ou des faits évoqués au cours des soirées Patois vivant qui nous retiennent ici, mais l’interprétation des faits et gestes que la mémoire a sélectionnés et le commentaire qu’en font les patoisants : c’est là l’expression commune de ce qu’on pourrait appeler une pensée patoisante.


 

Cahiers de Village de Forez 2016
1er semestre 2016