CAHIER n°88

Paul Valette

Le monument aux morts de Feurs

Lorsque le 11 novembre 1929 les autorités officielles inaugurèrent le monument aux morts de Feurs, onze années s'étaient écoulées depuis l'armistice. Cette date apparaît bien tardive d'autant plus que le projet fut initié très tôt. Dans d'autres communes, les cérémonies furent nettement plus précoces : Poncins (le 6 juin 1920), Saint-Galmier (le 24 novembre 1922), Sury-le-Comtal (mai 1921), Noirétable (le 10 novembre 1920) . Cette précocité ne concerna pas seulement des villages et des petites villes mais aussi des centres de plus grande importance. C'est le 24 mai 1920 que Montbrison inaugura le monument aux morts situé alors devant la caserne de Vaux et le 12 novembre 1922, au centre ville, le Monument des Combattants . Par contre il faudra attendre 1933 à Saint-Etienne.
Il convient de rechercher les raisons de ces disparités qui ne semblent pas avoir été propres à notre région.
Le registre des délibérations du conseil municipal constitue la source documentaire essentielle, pour ne pas dire unique . Si elle permet d'établir un calendrier satisfaisant de la progression du projet elle ne développe pas le détail des débats que ce dernier n'avait pas manqué de susciter. Les allusions qui en sont faites ne peuvent que permettre des hypothèses parfois fort probables certes, mais non des certitudes.

La mise en route du projet
La décision politique est prise dès la fin de la guerre.
Monsieur le maire expose à l’assemblée que les hostilités étant terminées le moment est venu de songer à élever en la commune un monument commémoratif destiné à honorer la mémoire des enfants du pays tombés pour la France : il propose de remettre cette tâche au comité de souscription qui pourrait s’adjoindre les membres auxquels il jugerait utile de faire appel. Le comité composé des membres du conseil municipal et de notables du pays a fonctionné pendant la guerre d’une façon admirable, notamment dans l’aide aux prisonniers de guerre. Il y a donc lieu de supposer qu'il acceptera la tâche qui lui sera confiée : il recueillera les fonds auprès de la population par les moyens qu’il jugera convenables et ce n’est que lorsque le total des souscriptions sera connu qu’il sera alors possible au conseil municipal de voter une subvention et de choisir l’emplacement où sera érigé ce monument. L’importance et l’aspect dépendront de la somme qui pourra y être consacrée et du lieu où il pourra être érigé. M. Ory tout en déclarant accepter le principe contenu dans les explications du maire, fait remarquer que le conseil municipal prorogé pendant la durée de la guerre va terminer son mandat sous peu, qu’il le croit donc peu qualifié pour voter des dépenses et décider du projet à ériger. MM. Galvin et Vimot notent au contraire que le conseil actuel a l’autorité nécessaire pour prendre toutes les décisions concernant le projet. M. le maire fait remarquer que rien ne s’oppose à ce que la méthode qu'il indique soit suivie et si le conseil est appelé par la suite sur cette question M. Ory apportera à nouveau ses observations.
La proposition mise aux voix est adoptée à l’unanimité. (Séance du 23 novembre 1918)
Présents : MM. Drivet, Vinot, Doyat, Triomphe, Larue, Pariel, Chevenard, Delorme, Maillere, Lafay, Ory.
Aux armées : Fraisse, Goléo, Péronnet
Absents : Badieu, Geloffier
Lors de la séance du conseil le 21 août 1920, sont désignés comme faisant partie de la commission du monument aux morts et s'entendre (sic) avec les membres que désignera le comité de souscription MM. Magat, Allier, Maître, Dumillier, Drenard, Pontvianne.
La pérennité de ce comité, ayant déjà oeuvré durant la guerre, et son ouverture devraient permettre un consensus élargi.
Dès cette date, les différents protagonistes pour la mise en oeuvre du projet se trouvaient désignés, ainsi que le processus de son financement. Un comité, formé de citoyens et de membres du conseil municipal, fut chargé de recueillir sans tarder des fonds par souscription. La municipalité décidera par la suite du montant de la subvention accordée, de l'ampleur du monument et de l'emplacement où il sera érigé. A. Drivet prit la tête de ce comité.
Ainsi, comme cela fut souvent le cas, le projet associait étroitement citoyens et municipalité.
La municipalité forézienne était marquée en cet immédiat après-guerre par la forte personnalité du député-maire, Antoine Drivet face à son adversaire politique, Joseph Ory, qui ne désespérait pas alors de reprendre la mairie.
Antoine Drivet (fig. 1)
Il n'est pas de notre propos de développer ici une biographie de ce personnage politique né à Louhans (Saône-et-Loire) le 1er septembre 1863 et qui fit son entrée dans la vie politique comme député radical-socialiste de la Loire en 1910. Il exerça cette fonction jusqu'en 1919. Entré au Sénat en 1920, inscrit dans le groupe de la gauche démocratique, il y demeura jusqu'en janvier 1941 .
Durant cette période, du moins jusqu'en 1933, date à laquelle son activité parlementaire se ralentit (il a alors 70 ans), il participa activement aux travaux des assemblées aussi bien dans le domaine social qu'économique (il fut le fondateur des Fonderies de Feurs en 1915).
Sur le plan local, il siégea au conseil général de la Loire et assura la fonction de maire de Feurs durant près de quarante ans, depuis 1912 jusqu'en 1941 , date à laquelle il fut révoqué par le régime de Vichy. Rappelé lors de la Libération, il mourut à Feurs en 1946, à l'âge de 83 ans.

Collection "Histoire locale"

Le mémorial de la Grande Guerre à Feurs est étudié avec une grande précision à l'aide de nombreux documents : le projet, les difficultés rencontrées, la réalisation…