CAHIER n°78

Joël Jallon,

Harmonies et fanfares,

150 ans de musique à Montbrison, portraits et témoignages : le petit monde montbrisonnais de la musique depuis plus d'un siècle et demi

Remerciements
Je remercie chaleureusement tous les musiciens, parfois âgés, d’avoir fait remonter de lointains souvenirs et les enfants de musiciens de m’avoir parlé de la passion de leur parent. Merci à l’équipe de Village de Forez et aux responsables du Centre social de Montbrison d’avoir permis cette publication.
J’ai une pensée pour Jean Louis Aubert « le père Aubert » ancien instituteur de l’école Saint-Aubrin, musicien et chanteur qui m’a donné mes premiers cours de solfège.
Lorsqu’il fut décidé de réunir dans un cahier de Village de forez l’histoire de la musique et des musiciens montbrisonnais, je me suis adressé à Pierre Cronel qui fut président de la Lyre pendant de nombreuses années, mais surtout une figure montbrisonnaise unanimement estimée. Il a accepté de me confier ses souvenirs et m’a permis de consulter ses archives. Il m’a raconté en détail, avec gentillesse et rigueur, sa vie depuis son enfance et sa vie musicale. Il n’aura hélas pas eu le temps de terminer ce travail.
Cet homme a connu un parcours extraordinaire. Il participa aux combats de Lérigneux au sein des maquis FTP en 1944, milita pour l’école publique, fut conseiller municipal et encore président d’une société philatéliste. Ce cahier réunissant de nombreux souvenirs de musique et de musiciens montbrisonnais, est aussi un peu un hommage à Pierre Cronel.

J’adresse tous mes remerciements pour leur précieuse collaboration à :
Christian Aguera, Colette et Jo Barou, Michel Brun, Daniel Brunel, Christine Burlinchon, Albert Cellier, Pierre Cronel, Pierre Cronel (fils), Marie-Georges Cronel, Jean Damon, Maurice Damon, Martine Dumas, Noël Félix, Pierre François, Serge Gagnaire, Charles Galletti, Renée Laroche, Michel Portes, Christian Presles, Aimé Prévost, Roger Richard et Jean Louis Romagny.
Joël Jallon
Présentation
Dans les pages qui suivent, Joël Jallon trace à grands traits l’histoire des formations musicales et de l’enseignement de la musique à Montbrison. De nombreux Montbrisonnais y relèveront les noms familiers d’anciens camarades musiciens, se remémoreront avec plaisir et quelque émotion les 14 juillet et autres Sainte-Cécile de leur jeunesse.
L’auteur, puisant aux sources de la presse montbrisonnaise de la fin du19° siècle et du début du 20°, s’appuyant sur de précédents articles de Village de Forez, évoque la fanfare et les premiers cours municipaux des années 1850. Il nous fait entendre les échos de l’Harmonie montbrisonnaise puis de la Philarmonique. Il nous fait assister à la naissance des P’tits fifres montbrisonnais, puis de la Lyre, et progresse sur les chemins de l’histoire musicale montbrisonnaise jusqu’à la création de l’actuel centre musical Pierre Boulez.
Mais l’auteur porte en réalité davantage son attention sur la période qui commence vers les années 30. L’essentiel de ses sources est, en effet, constitué des informations qu’il a recueillies auprès des plus anciens Montbrisonnais qui, précisément, se sont initiés à la musique à cette époque-là. Il a ainsi tracé des portraits de musiciens qui ont marqué la vie montbrisonnaise. Mais surtout, privilégiant la méthode des entretiens non directifs, il a obtenu une suite de témoignages qui sont autant de petits récits autobiographiques, libres et pittoresques. Bien entendu, il y est question de musique. Mais, leur intérêt tient d’abord à ce qu’ils décrivent en même temps le contexte montbrisonnais dans lequel la musique s’apprend et se pratique.
Toute liberté d’interprétation du contenu de ces récits est laissée au lecteur. Il peut s’intéresser par exemple aux méthodes d’enseignement de la musique, à l‘origine et au rôle des formateurs, ou encore aux échanges et concours entre sociétés de musique…
Je retiens, quant à moi, dans les propos des vieux musiciens, que la pratique de leur art était en même temps pour eux une manière d’apprentissage de la vie sociale. Ils ont entendu un jour ou l’autre se produire les P’tits fifres ou la Lyre, au jardin d’Allard ou sur les boulevards, y ont reconnu des amis, et ont eu envie de les imiter et de se joindre à eux. Cela a, bien entendu, son importance. Mais, à les entendre raconter les circonstances dans lesquelles ils en sont venus un jour à entrer dans les rangs d’une harmonie ou d’une fanfare, on comprend que des influences diverses les ont amenés à franchir le pas.
Celle de la famille : plusieurs sont devenus musiciens parce que leur père, ou un frère, avait avant eux battu le tambour, sonné du clairon ou joué de la flûte. La pratique instrumentale par les membres d’une même famille dans les mêmes types de formations est une façon, parmi beaucoup d’autres, de reconnaître qu’on participe d’une culture commune. La famille sert la musique ; la musique le lui rend bien.
Il y a aussi l’influence militaire. On a souvent été musicien au cours de la période du régiment, ce qui, quand on revient au pays, est le signe manifeste d’une compétence accrue et confère une sorte de respect. On sait encore, de nombreuses années plus tard, décrire l’uniforme de la société de musique à laquelle on appartenait, d’allure militaire lui aussi, comme est militaire la musique des partitions qu’on aimait jouer lors des commémorations. Les harmonies et fanfares se présentent comme une scène qui favorise l’expression de la discipline et de la rigueur. Lors des défilés, le public, nombreux, fidèle et ému, a tout loisir de comprendre le symbole du spectacle sonore qui lui est offert dans les rues mêmes de sa ville.
Plusieurs des musiciens que Joël Jallon a interrogés expliquent encore que les paroisses ont tenu une place essentielle pour leur recrutement et leur formation. Dans les « patronages », ils commençaient généralement par l’entraînement à la gymnastique, pour se diriger ensuite vers l’apprentissage de la musique. Les P’tits fifres ont compté beaucoup pour la démonstration publique du rôle éducatif des institutions religieuses. Et la musique y a trouvé son compte.
L’un des musiciens fait figure d’exception, sans paroisse ni antécédent musical. Peut-être parce qu’il venait d’autres horizons, il aura eu sa part de responsabilité dans les évolutions qu’a connues la Lyre montbrisonnaise à laquelle il a longtemps appartenu. En même temps que changeaient les goûts du public, et ceux des musiciens eux-mêmes, le répertoire s’ouvrait, avec l’introduction contestée du jazz. Les filles rejoignaient les garçons dans les rangs des groupes de musique. La société se modifiait ; les harmonies et fanfares cherchaient alors à jouer une nouvelle partition.
Le plus illustre des musiciens montbrisonnais n’a jamais dirigé ni harmonie ni fanfare sur les boulevards ! Et pourtant, à Montbrison, comment ne pas saluer, comme le fait Joël Jallon au terme de son travail, le nom de Pierre Boulez ?
Maurice Damon