CAHIER n°75

Marguerite Fournier,

Souvenirs d'audience,

Présentation
Marguerite Fournier ou la mémoire de la cité
Avec son mari, Victor Fournier, Marguerite Fournier a assisté pendant quarante ans - un fameux bail - aux séances de la cour d'assises de Montbrison et en a rendu compte, avec un grand talent de journaliste, dans les colonnes du Mémorial et de la Dépêche. Nous la remercions de donner aujourd'hui aux lecteurs de Village de Forez ses souvenirs de chroniqueur judiciaire, écrits d'une plume alerte, avec beaucoup d'humanité et de verve.
Le journalisme est une bonne école d'écriture : il faut noter beaucoup de choses, faire immédiatement le tri de l'essentiel et de l'accessoire, remarquer les détails et les paroles significatifs, rédiger rapidement son article pour l'expédier au journal afin que les lecteurs aient les nouvelles le plus vite possible : discipline qui impose de maîtriser parfaitement la langue française et d'être capable de donner du style à un "papier" malheureusement voué à l'éphémère.
Marguerite Fournier a gardé le "coup de patte" de la journaliste qu'elle a été si longtemps et a puisé dans ses articles et ses souvenirs pour nous faire revivre l'époque où Montbrison était le siège de la cour d'assises qui tenait ses séances dans l'ancienne chapelle du couvent de la Visitation : survivance de la période où l'ancienne capitale des comtes de Forez - qui avait été sous l'Ancien Régime le siège d'un bailliage - était, de 1795 à 1855, la préfecture du département de la Loire.

Que de drames ont trouvé ici leur épilogue le décor en est intact : un peu austère et vieillot, des peintures en trompe-l'œil de Zachéo et les portraits de Claude Henrys et de Jean Papon, gloires de la magistrature montbrisonnaise, une salle où Stellio Lorenzi tourna, sur la suggestion de Frédéric Pottecher, les scènes de tribunal de Jacquou le Croquant.
Marguerite Fournier a su évoquer pour nous tout l'apparat de la cour d'assises où la présence du jury rappelle que les jugements sont rendus "au nom du peuple français", mais aussi faire revivre les figures - parfois hautes en couleur - de tant de magistrats et d'avocats, drapés dans leurs robes rouges ou noires, célèbres ou inconnus, venus juger ou défendre des accusés livrés à la curiosité du public, odieux ou pitoyables - souvent les deux à la fois. Un drame dominé par l'ombre de la guillotine.
Nous voyons la ville régulièrement bruissante des informations et des rumeurs relatives à des procès dont certains ont passionné la France entière.
Le talent et l'extraordinaire mémoire de Marguerite Fournier nous restituent ainsi - à travers dialogues et anecdotes - tout un pan de l'histoire de Montbrison. Ces souvenirs sont maintenant de l'Histoire : la victoire de la mémoire sur l'éphémère et l'oubli.
Marguerite Fournier avait déjà donné à Village de Forez ses souvenirs d'enfance qui avaient obtenu un grand succès. Nul doute que nos lecteurs n'apprécient également ces souvenirs de quarante années d'audiences, rédigés par l'auteur de ce Montbrison, cœur du Forez où ils ont déjà appris à connaître l'histoire de leur cité.
Chère madame Fournier, à travers votre texte, transparaît votre plaisir d'écrire. Merci de nous donner celui de vous lire.
Un dernier mot : peut-on souhaiter que l'ancienne chapelle de la Visitation, envahie aujourd'hui par les dossiers et la poussière, retrouve un jour une destination plus digne de son passé ?
Claude Latta