CAHIER n°59

Claude Latta,

Histoire de la construction européenne (1945-2009)

Tout ce qu'il faut savoir sur une question qui détermine l'avenir commun des Européens.

Ce cahier de Village de Forez est le sixième de la collection Histoire et citoyenneté.
Cette collection souhaite offrir aux lecteurs de Village de Forez des éléments de connaissance et de réflexion sur l’histoire contemporaine. Les conférences et les travaux, faits à Montbrison et dans le Forez, dans le cadre des institutions et des associations locales qui mettent au premier plan de leurs préoccupations le souci de la culture, de la formation des citoyens et de la connaissance de l’histoire contemporaine trouvent leur place dans cette collection. Ils témoignent de l’effort fait, en ce domaine, dans le pays de Forez.
Ce cahier, consacré à la construction européenne reprend le texte, revu et augmenté, de cinq cours publics faits au Centre social de Montbrison en janvier 2009. Le chapitre 1 est consacré à une réflexion sur l’identité européenne qui a été demandée à l’auteur par le MRJC (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne) de la Loire et dont le texte a été publié en février 2009 par le journal de ce mouvement.
Réflexions pour conclure

En conclusion, il faut poser quelques questions essentielles :
- Veut-on, au final, une zone de libre-échange la plus large possible ou des États-Unis d’Europe engagés dans un véritable processus de construction politique, capable de contrôler l’économie ? L’Europe veut-elle aller vers les États-Unis d’Europe (Europe fédérale) ou vers une « Europe des Nations » ? Quel degré de supranationalité veut-on pour l’Europe ? Fera-t-on dans l’avenir une Fédération d’États ou une Confédération d'États-nations ?
- Continuera-t-on à élargir l’Union européenne ? D’autres pays européens semblent naturellement avoir vocation à entrer dans l’Union : la Croatie, le Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Kosovo, l’Albanie… La Suisse et la Norvège peuvent revenir sur leur refus de candidature ou d’adhésion ? Quel sera le sort de la candidature de la Turquie ?
- L’élargissement de l’Union à 27 a été une véritable révolution. N’a-t-on pas privilégié l’élargissement au détriment de l’approfondissement ? Que devient le « couple franco-allemand », jusque-là fondement de la politique européenne de la France ? N’est-il pas désormais dissous dans un ensemble trop vaste pour qu’il demeure efficace ?
- L’Europe des régions : comment faire l’Europe des régions – qui est favorisée par l’UE – sans défaire les Nations, alors que l’existence de celles-ci est déjà ébranlée par la construction européenne elle-même ?
- Quelles institutions pour une Europe élargie, afin de combler le déficit démocratique de l’Europe ? Le traité de Lisbonne reste complexe : l’exécutif continue à être composé de trois têtes. Le pouvoir législatif appartient à la fois au Conseil des ministres et au Parlement, ce qui est contraire à la Séparation des pouvoirs.
- Comment faire pour que les Européens se sentent vraiment représentés par le Parlement européen ? Comment rendre plus visibles les hommes qui sont responsables de l’Europe ? Comment ne pas faire de l’Europe un bouc émissaire alors que ce sont les États qui, au sein du Conseil des ministres, votent les mesures prises ? Comment réhabiliter la politique dans les débats européens alors que les « technocrates » ont tendance, du fait de leur compétence à monopoliser le pouvoir ? Comment éviter que l’Europe ne se mêle de tout, jusque dans les moindres détails, au risque d’exaspérer les citoyens de tel ou tel pays (le problème des fromages français, le problème de la chasse, etc.). Le principe de subsidiarité est affirmé mais comment sera-t-il appliqué ?
- Comment faire l’Europe sociale alors que l'Europe est surtout celle des marchands et qu’elle réaffirme son orientation libérale ? Quelles seront les conséquences de la crise de 2008-2009 ? Quel rôle peuvent avoir les syndicats en Europe ? N’ont-ils pas tardé à s’organiser ? Quel rôle pour les services publics en Europe ? Notons d’ailleurs que la peur d’une régression sociale a été à l’origine de deux Non norvégiens.
L’Europe a été impuissante face aux drames, dans les années 1980-1990, de l’ex-Yougoslavie. Elle a fait entendre des voix discordantes dans la crise irakienne. Elle reste divisée dans ses rapports avec les EU. L’institution d’un ministre des Affaires étrangères suffira-t-il à donner une politique extérieure commune à l’UE ?
- Les dispositions créant une Europe militaire sont timides et expérimentales. La France, après avoir quitté l’OTAN en 1966 et développé sa propre force de frappe a progressivement, et presque sans le dire, réintégré progressivement l’OTAN. Comment faire une armée européenne sans refaire la CED dont l’échec a laissé un mauvais souvenir aux Européens ? Quel objectif fixer à l’OTAN après la chute du communisme ?

- Quels rapports entre l’Europe et les États-Unis ? Comment ne pas dissoudre l’Europe dans la mondialisation à l’américaine ? Quels rapports entre l’Europe et le Tiers Monde ? Comment ne pas faire de l’Europe le bastion des pays riches ?
- Où sont les limites de l’Europe ? le problème n’est pas seulement posé par la candidature de la Turquie. L’Ukraine et la Géorgie ont récemment manifesté aussi leur intention d’entrer un jour dans l’UE. La Russie fait-elle partie de l’Europe ?
Ces questions se posent à une Europe, certes critiquée, mais qui a, ne l’oublions pas non plus, à son actif un succès majeur : elle a maintenu la paix entre ses membres et a même rendu toute guerre impossible entre eux en organisant la coopération et l’interdépendance des économies nationales et en étant un vecteur de la croissance, même si celle-ci est remise en cause. Et chacun sent bien que les problèmes se posent à une autre échelle que celle des petits États européens. Deux défis majeurs sont aujourd’hui lancés à cette Europe qui concernent son identité elle-même :
- L’Europe peut-elle bâtir un système politique qui ait suffisamment de visibilité politique et d’efficacité sans faire disparaître les Nations issues elles-mêmes d’une longue histoire, liées à des langues nationales qui expriment une forte identité culturelle ?
- L’Europe peut-elle se donner un projet, non seulement économique, mais aussi social ? La politique, c’est la volonté des citoyens. À eux de l’imposer.