CAHIER n°55

Couverture : en filigrane, lettre de François Guillot à ses parents du 2 septembre 1914
« A Germagneux il fait un temps superbe, mais malheureusement que c’est trop triste, peut-être qu’il reviendra un jour que l’on sera plus gai. »
Maria à Jean-Marie (26 février 1917)

Les documents qui sont présentés ici m’ont été aimablement remis par madame Louise Robert, de Chalain-d’Uzore. Je la remercie de m’avoir confié ces archives familiales, qui ont pour elle une grande valeur affective, et d’autoriser Village de Forez à les publier. Il s’agit de lettres et cartes postales échangées au cours de la guerre de 1914-18 entre des soldats et des membres ou des proches de sa famille. Elles avaient d’abord été conservées à Germagneux (Saint-Bonnet-le-Courreau), puis, au gré des déménagements, à Say (Marcilly-le-Châtel), chez les parents de madame Robert. Déposées en vrac, dans un grenier, près d’un saloir, beaucoup avaient été dispersées et avaient disparu. D’autres avaient résisté, en partie déchirées ou victimes du sel ou des souris, difficilement lisibles pour un bon nombre. « Ces lettres m’avaient toujours intriguée », confie madame Robert. Je les ai mises dans une balle et je les ai descendues de chez mes parents », à Say, les sauvant ainsi de la destruction.
Beaucoup de ces courriers étant détruits, ceux qui ont été sauvegardés sont répartis de manière inégale au cours des années de correspondance : 36 en 1914, 44 en 1915, 10 en 1916, 41 en 1917, 1 en 1918, soit au total 132. Une vingtaine d’autres courriers étaient dans le grenier de Say, mais antérieurs à la période de la guerre. J’ai estimé utile de les publier, eux aussi, parce que, écrits par les mêmes correspondants, ils éclairent utilement les relations qui s’établissent entre eux pendant la guerre. Pour la même raison, j’ai en reproduit dix-huit autres dont la date n’est pas mentionnée ou est illisible mais qui, à l’examen, appartiennent manifestement à la même période. Il est, certes, regrettable que manquent de nombreux courriers des années de guerre. Ceux qui sont conservés sont cependant assez fournis pour donner au lecteur une vision assez précise du contenu de la correspondance entre les soldats et leurs proches.

Les textes sont courts, une page et demie au maximum, parfois seuls quelques mots au dos d’une carte postale. Ils sont écrits à l’encre, ou au crayon quand les soldats sont sur les lieux de bataille. La lecture n’en est pas toujours aisée du fait des dommages qu’a subis le papier. La transcription respecte le plus scrupuleusement possible le texte et son style, se limitant à corriger des fautes d’orthographe et des lacunes de ponctuation pour aider à une compréhension plus facile. Lorsque des mots sont effacés ou illisibles, ils sont remplacés par un point d’interrogation (?). Ou alors, si le contexte permet de les rétablir, ils sont, dans ce cas, écrits entre crochets [ ].

Une correspondance familiale et villageoise
Madame Robert est la petite-fille de Claudine Malécot, originaire de Germagneux, et de François Guillot, de Say, mort à la guerre. Elle est la petite-nièce de Jean-Marie et de Pierre-Marie Malécot, de Germagneux, frères de Claudine, l’un et l’autre morts à la guerre. Elle est aussi la petite-nièce d’André Guillot et de son épouse, Euphrasie Malécot, deux frères Guillot ayant épousé deux sœurs Malécot. André, qui a aussi été combattant, a, lui, survécu. C’est essentiellement le sort de ces quatre soldats qui fait l’objet des quelque cent soixante-quinze correspondances qui nous sont parvenues.