CAHIER n°24

Daniel Allezina

Un Forézien embarqué pour la Louisiane (1817) Antoine Blanc de Sury-le-Comtal

Au père Jean-Marie Jammes,
aujourd'hui revenu en Lozère, sa terre natale.
Il a longtemps vécu à Saint-Martinville, en Louisiane ;
il nous a permis de refaire les liens avec la Louisiane et son Eglise,
en particulier à l'occasion de la visite de reconnaissance
des 17 évêques du Texas,
à Sury-le-Comtal,
en avril 1988.

Antoine Blanc, la mémoire oubliée ?
L’objet de cette étude s’arrête au moment où Antoine touche enfin le territoire de La Louisiane. Ses activités missionnaires vont se développer. Il va si bien s’implanter qu’il va recevoir la mission d’évêque de La Nouvelle-Orléans, à part entière. Son ministère va se développer jusqu’à ce qu’il soit emporté par une attaque cérébrale, en juillet 1860. Dans son bureau du couvent des Ursulines, il écrivait, en français, une lettre qui restera inachevée…
En Louisiane, le souvenir d’Antoine Blanc reste bien implanté. Dans la cathédrale Saint-Louis, à La Nouvelle-Orléans, son corps repose dans l’aile droite du bâtiment. Une dalle de pierre, à même le sol, porte une inscription en latin sur le défunt archevêque. Le dernier ouragan Katrina (octobre 2005) a épargné le monument. L’ancien couvent est devenu le "Mémorial Antoine-Blanc". C’est aussi le dépôt des archives de l’archevêché de La Nouvelle-Orléans. À l’approche de l’ouragan Katrina, des paquets d’archives ont été rapatriés sur Bâton Rouge. Le bâtiment a résisté. Autre lieu de souvenir, c’est la cathédrale Saint-Joseph à Bâton Rouge : dans cette paroisse, Antoine a exercé la charge de curé. De même pour la petite église, en bois, de La Pointe Coupée, Antoine n’est pas oublié. Courant 1988, les 17 évêques du Texas ont accompli un pèlerinage de reconnaissance en mémoire des missionnaires français partis porter l’Évangile en Amérique du Nord. Au cours de leur périple, ils ont fait escale à Sury, ils ont réveillé la mémoire d’Antoine.
À juste titre, on peut se demander pourquoi cette page de notre histoire religieuse locale a été oubliée chez nous. Pourquoi le voile de l’oubli est-il tombé sur cet homme valeureux ? À partir de 1860, date du décès de l’archevêque, chez nous, les souvenirs de la famille Blanc ont été dispersés. Le cimetière de Sury n’était pas un lieu de mémoire à l’égard d’Antoine, sa tombe n’est pas là. La mémoire locale s’est, en partie, estompée. Le curé Relave a été en responsabilité à Sury, la fin du XIXe siècle, c’est aussi un familier de l’histoire locale. Il connaissait certainement le parcours d’Antoine. Dans ses ouvrages, il n’en parle pas explicitement. Dans un sermon de mariage, il y fait une allusion très claire : la mariée était de la parenté Blanc. L’autre historien suryquois, c’est Monsieur Henri Ramet. Sous sa plume, on ne trouve aucune allusion, aucune référence à Antoine. Il semble ignorer la personnalité de notre missionnaire. Son livre et ses articles sont muets. En rapportant les événements de la période révolutionnaire à Sury, il décrit largement les activités du père d’Antoine. En particulier, il décrit le dernier baptême qui eut lieu en l’église Saint-André au moment où les portes de l’église se fermaient pour quelques années.

En l’occurrence, c’était le baptême d’Antoine. Henri Ramet parle du père et ne dit rien sur ce jeune baptisé d’un jour qui allait devenir ce grand archevêque missionnaire. C’est donc le signe que le voile de l’oubli était déjà tombé en 1925 . Heureusement, les curés suivants ont commencé les recherches et ils ont placé un médaillon dans un couloir de la cure. C’était une photo du grand portrait qui se trouve au Mémorial de La Nouvelle-Orléans. Si ces missionnaires avaient fait partie d’un ordre religieux, ils n’auraient pas été oubliés : leur congrégation aurait gardé des traces de leurs parcours.
Depuis 20 ans, les liens sont renoués. En mars 2006, un ancien curé de Bâton Rouge, le père William Greene, est venu visiter Sury. Il a glané des documents pour écrire la biographie du missionnaire. Nous restons dans le temps des échanges et de la reconnaissance.
En arrivant sur la terre d’Amérique, le jeune prêtre ne savait pas la descendance spirituelle qui allait suivre son exemple ; plus tard, il l’a connue, nous, nous ne l’oublierons pas. En entrant dans la ville de Saint-Louis du Missouri, Antoine Blanc et Michel Portier étaient, certainement, les premiers Foréziens à fouler le sol de la Louisiane.