CAHIER n°08

Frédérique Piroche

Poulaillers et loges autour de Saint-Jean-la-Vêtre

Préface
Le patrimoine rural, à travers les structures comme à travers les objets usuels, est le résultat d'une création continue qui a permis aux hommes de vivre et de survivre au mieux sans grands moyens, mais au prix d'un labeur incessant, dans un accord profond avec la nature, au sein d'une communauté de pays, en inventant la liberté dans la dépendance.

Pierre Martel

L'invention rurale, 1980
Les diverses régions de France possèdent un patrimoine vernaculaire remarquable, fruit de l'ingéniosité des hommes pour améliorer leur cadre de vie, pour l'adapter à des besoins réels mais aussi à des désirs très personnels. Là ce sont des cabanons pointus (Provence) ; là des chibottes (Velay), ici des fours à cade (Provence littorale), ailleurs le mur de la peste (Comtat Venaissin)… Il faudrait aussi évoquer les ruchers dans les murs, les fuies et colombiers, les aires de battage, les saccadous, les restanques, les aiguiers, etc.
Qu'en est-il dans le Forez ? Ses richesses en la matière ne sont pas moindres et, ici comme ailleurs, ce patrimoine rural fragile est en voie de disparition car devenu inutile à la société moderne. Le four communautaire, le travail à bœufs, le lavoir, la loge de vigne, le moulin à farine ou à huile, le sétol se ruinent peu à peu et seront vite oubliés.
Frédérique Piroche, digne héritière de son père, André Bréasson, s'est intéressée à ces structures qu'elle avait côtoyées dans son enfance et qu'elle voyait, avec nostalgie, disparaître sous la végétation.
Elle m'a fait découvrir les poulaillers de plein champ, que l'on avait éloignés de la maison pour donner plus d'importance à ces petits élevages (on retrouve ce même processus avec les colombiers, les ruchers et les garennes). Son étude est servie par un style alerte et un talent artistique plein de délicatesse. Elle a su analyser le double lien qui existe entre le comportement humain et la forme du bâti. En effet il faut appréhender les différents aspects du comportement (désirs, besoins, sentiments, traditions, motivations ostentatoires…) pour comprendre la forme. Ensuite ces formes affectent le comportement et influent sur le mode de vie.

Elle sait nous parler du plaisir des femmes allant quotidiennement à leur poulailler, un espace de liberté pour elles, hors de la structure fermée. On s'enferme dans la pierre, dans le bâti : clôture monumentale certes, clôture mentale probablement, faisait remarquer Georges Calvet (La maison paysanne en Quercy).Frédérique Piroche n'est plus, elle nous a quittés en ce début de février 2005, alors qu'elle avait de très nombreux projets concernant ce patrimoine rural : croix, enclos, mégalithes, granges, linteaux, etc.
Toute vie repose sur l'illusion de l'immortalité. Nous ferons en sorte que son immortalité ne soit pas une illusion. Cette pertinente étude y contribue déjà, comme d'autres de ses articles que publiera Village de Forez.

Claude Beaudinat 15 février 2005