CAHIER n°05

Claude Latta

Le Forez devient bourbonnais

Ce numéro spécial des Cahiers de Village de Forez retrace d'une façon précise les circonstances qui ont amené le Forez au 14e siècle à entrer dans les possession du duc de Bourbon ;

Pour conclure

L’histoire du rattachement du Forez au Bourbonnais a souvent été faite de façon partiale. Les historiens foréziens ont insisté sur la « perversité » de Jeanne de Bourbon et sur l’ambition qu’elle aurait eue, de longue main, de faire tomber le Forez dans l’escarcelle bourbonnaise. Les historiens bourbonnais mettent plutôt en avant les droits d’Anne Dauphine et l’administration bienfaisante du "bon duc Louis".
Mais le problème se pose peut-être en d’autres termes. Dans le royaume de France, il n’y a plus que quelques grands feudataires (Bretagne, Bourgogne, Flandre et Guyenne) et quelques apanages importants (Bourbon). Face à ces principautés, peut-il y avoir encore place pour de petits comtés comme le Forez ? Les alliances matrimoniales entre une grande principauté comme le duché de Bourbon et un petit comté comme le Forez ne devaient-elles pas tourner un jour en faveur du premier si le second n’avait plus de descendance mâle et perdait le sens même de son existence : je pense à la vente du Forez par Renaud de Forez à Louis d’Anjou qui marque un affaiblissement de la conscience que les membres de la famille comtale pouvaient avoir de l’intérêt forézien.
Mais revenons à Anne Dauphine avec laquelle se clôt un chapitre de l’histoire forézienne. Plus que Jeanne de Bourbon, finalement, c’est elle qui fut un véritable "homme d’état" et qui est la vraie bourbonnaise de la famille. Veuve, elle vient s’installer à Cleppé, administre elle-même ce comté de Forez qu’elle s’est réservé et qu’elle n’a pas voulu donner en apanage à l’un de ses fils. Elle ne s’est pas contentée de l’apparence du pouvoir et a gouverné en souveraine absolue. Elle avait le sens de l’Etat et de son indépendance. Mais elle a demandé que, après sa mort, son corps soit ramené à Moulins. Elle est morte à Cleppé le 21 septembre 1417 ; le 22, une litière tirée par plusieurs chevaux et portant le cercueil d’Anne Dauphine prit la tête d’un convoi composé de ses serviteurs, des principaux officiers du comté de Forez et des gentilshommes de Montbrison pour l’accompagner de Cleppé à Souvigny, en passant par La Palisse .

Elle fut inhumée dans le tombeau où reposait Louis II. Léon Côte décrit ainsi son gisant, œuvre de Jean de Cambrai : La duchesse en robe longue et corsage décolleté, a la taille très haute, marquée par une ceinture de joyaux ; sur ses cheveux, roulés en deux coques contre les oreilles, est posée la couronne ducale . Sa tête repose sur un coussin fleurdelysé parsemé de dauphins : le dauphin d’Auvergne et celui du Forez …Petite-fille de Guy VII, Anne Dauphine avait incarné de son vivant une légitimité forézienne. Mais, à une époque où le symbolisme des funérailles a tant d’importance, le retour d’Anne Dauphine en Bourbonnais affirmait que cette légitimité forézienne était ramenée à Souvigny après un dernier séjour en Forez. Les Foréziens l’ont bien compris ainsi, eux qui sont restés, ensuite, continûment fidèles à la dynastie bourbonnaise.